Metz a défendu l’État au prix de la cité, alternant zones non aedificandi et emprises militaires. Entre la défaite de Charles Quint devant Metz (1553) qui signe le début de la protection française jusqu’aux guerres modernes, le fait militaire prime sur la logique de l’échange. Et lors de la première annexion en 1870, l’Empire allemand pare la ville d’une nouvelle architecture, de nouvelles casernes, modifie son dispositif défensif, qui va se retourner totalement pour faire face à la France et non plus à l’Allemagne.
Cette carte de 1872 du nouveau tracé de la frontière sert utilement de support à des images qui témoignent de remaniements urbains dont l’ampleur est inconcevable aujourd’hui. Des fossés ennoyés sont comblés et remplacés par un Ring où s’alignent les bâtisses des notables (voir l’avenue Foch actuelle), une nouvelle ville entière est construite sur des pâturages aux Sablons, de nouveaux édifices cultuels sortent de terre – d’ailleurs l’ensemble architectural classique de la place de la Comédie va bientôt se trouver écarté de la vue plongeante de la promenade par un temple néo-roman (« le Temple neuf »). Au cours des quelques dizaines d’années qui suivent cette carte et grâce à l’appel massif à une main d’œuvre italienne, Metz est remodelée et insérée dans un dispositif tout à fait différent où domine le nœud ferroviaire qui ne figure pas encore sur cette carte mais fera par la suite la richesse et la renommée de la ville.
Les rapports de force se sont invités dans la forme de la ville et jusqu’aux oppositions architecturales – façades, néo-renaissance des familles restées fidèles à la France face au style néo-médiéval germanique. Au final, de très nombreux Messins quitteront Metz pour la France, et l’arrivée d’Allemands n’empêchera pas une perte de 25% de la population.
Entrer dans la carte à Metz en 1872, c’est aussi comprendre ce que le paysage raconte de la guerre et de la paix. Une véritable guerre des images s’est jouée ici, par la construction et le remodelage, la concurrence pour le beau, dans le respect de l’art et en syncrétisme. Metz signe aussi un certain génie européen qui préfère détourner plutôt que raser les statues.
Sources ouvertes et outils libres sont conviés pour ce petit aperçu, dont un petit bijou : MapWarper développé par Tim Waters et qui permet de caler d’autres fonds, donc des cartes anciennes, sur les coordonnées d’OpenStreetMap. Le chaînon manquant entre l’Histoire et la Géographie finalement… Tuto « Faire sa carte Metz 1872 » ici pour partager (prévoir 1/2 journée de travail, le plus long étant de trouver des sources ouvertes)…
Sophie Clairet